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Histoire d'une momie
dans un des caveaux de la tour Saint-Michel
par Allan Kardec
Tirée de la revue spirite de novembre 1862
Dans un des caveaux de la tour Saint-Michel, à Bordeaux, on voit un certain
nombre de cadavres momifiés qui ne paraissent pas remonter à plus de deux ou
trois siècles, et qui ont sans doute été amenés à cet état par la nature du
sol. C'est une des curiosités de la ville, et que les étrangers ne manquent pas
d'aller visiter. Tous ces corps ont la peau complètement parcheminée ; la
plupart sont dans un état de conservation qui permet de distinguer les traits
du visage et l'expression de la physionomie ; plusieurs ont des ongles d'une
fraîcheur remarquable ; quelques-uns ont encore des lambeaux de vêtements, et
même des dentelles très fines.
Parmi ces momies, il en est une qui fixe particulièrement l'attention ; c'est
celle d'un homme dont les contractions du corps, de la figure et des bras
portés à la bouche, ne laissent aucun doute sur son genre de mort ; il est
évident qu'il a été enterré vivant, et qu'il est mort dans les convulsions
d'une agonie terrible.
Un nouveau journal de Bordeaux publie un roman-feuilleton sous le titre de
Mystères de la tour Saint-Michel. Nous ne connaissons cet ouvrage que de nom,
et par les grandes images placardées sur tous les murs de la ville et
représentant le caveau de la tour. Nous ne savons par conséquent dans quel
esprit il est conçu, ni la source où l'auteur a puisé les faits qu'il raconte.
Celui que nous allons rapporter a au moins le mérite de n'être pas le fruit de
l'imagination humaine, puisqu'il vient directement d'outre-tombe, ce qui
peut-être fera beaucoup rire l'auteur en question. Quoi qu'il en soit, nous
croyons que ce récit n'est pas un des épisodes les moins saisissants des drames
qui ont dû se passer dans ces lieux ; il sera lu avec d'autant plus d'intérêt
par tous les spirites, qu'il renferme en soi un profond enseignement ; c'est
l'histoire de l'homme enterré vivant et de deux autres personnes qui s'y
rattachent, obtenue dans une série d'évocations faites à la Société spirite de
Saint-Jean d'Angély, dans le mois d'août dernier, et que l'on nous a
communiquées lors de notre passage. Pour ce qui concerne l'authenticité des
faits, nous nous en référons à la remarque placée à la fin de cet article.
Saint-Jean d'Angély, 9 août 1862.
Demande au guide protecteur : Pouvons-nous évoquer l'Esprit qui a animé le
corps qu'on voit dans le caveau de la tour Saint-Michel de Bordeaux, et qui
paraît avoir été enterré vivant ?
- Oui, et que cela serve à votre enseignement.
Évocation. L'Esprit manifeste sa présence.
- Pourriez-vous nous dire quel fut votre nom lorsque vous animiez le corps dont
nous parlons ?
- Guillaume Remone.
- Votre mort a-t-elle été une expiation ou une épreuve que vous aviez choisie
dans le but de votre avancement ?
- Mon Dieu, pourquoi, dans ta bonté, poursuivre ta justice sacrée ? Vous savez
que l'expiation est toujours obligatoire, et que celui qui a commis un crime ne
peut l'éviter. J'étais dans ce cas, c'est tout vous dire. Après bien des
souffrances, je suis parvenu à reconnaître mes torts, et j'en éprouve tout le
repentir nécessaire à ma rentrée en grâce devant l'Éternel.
- Pouvez-vous nous dire quel fut votre crime ?
- J'avais assassiné ma femme dans son lit.
Saint-Jean d'Angély, 10 août.
- Lorsque, avant votre réincarnation, vous avez choisi votre genre d'épreuves,
saviez-vous que vous seriez enterré vivant ?
- Non ; je savais seulement que je devais commettre un crime odieux qui
remplirait ma vie de remords cuisants, et que cette vie, je la finirais dans
des douleurs atroces. Je vais être bientôt réincarné ; Dieu a pris en pitié ma
douleur et mon repentir.
Remarque. Cette phrase : Je savais que je devais commettre un crime, est expliquée ci-après, questions 30 et 31.
- La justice a-t-elle poursuivi quelqu'un à l'occasion de la mort de votre
femme !
- Non ; on a cru à une mort subite ; je l'avais étouffée.
- Quel motif vous a porté à cet acte criminel ?
- La jalousie.
- Est-ce par mégarde qu'on vous a enterré vivant ?
- Oui.
- Vous rappelez-vous les instants de votre mort ?
- C'est quelque chose de terrible, d'impossible à décrire. Figurez-vous être
dans une fosse avec dix pieds de terre sur vous, vouloir respirer et manquer
d'air, vouloir crier : « Je suis vivant ! » et sentir sa voix étouffée ; se
voir mourir et ne pouvoir appeler du secours ; se sentir plein de vie et rayé
de la liste des vivants ; avoir soif et ne pouvoir se désaltérer ; ressentir
les douleurs de la faim et ne pouvoir la faire cesser ; mourir en un mot dans
une rage de damné.
- A ce moment suprême avez-vous pensé que c'était le commencement de votre
punition ?
- Je n'ai pensé à rien ; je suis mort comme un enragé, me heurtant aux parois
de ma bière, voulant en sortir et vivre à tout prix.
Remarque. Cette réponse est logique et se trouve justifiée par les contorsions dans lesquelles on voit, en examinant le cadavre, que l'individu a dû mourir.
- Votre Esprit dégagé a-t-il revu le corps de Guillaume Remone ?
- Aussitôt après ma mort, je me voyais encore dans la terre.
- Combien de temps êtes-vous resté dans cet état, c'est-à-dire ayant votre
Esprit attaché à votre corps quoique ne l'animant plus ?
- Quinze à dix-huit jours environ.
- Lorsque vous avez pu quitter votre corps, où vous êtes-vous trouvé ?
- Je me suis vu entouré d'une foule d'Esprits comme moi remplis de douleur,
n'osant lever vers Dieu leur cœur encore attaché à la terre, et désespérant de
recevoir leur pardon.
Remarque. L'Esprit lié à son corps et souffrant encore les tortures des
derniers instants, puis se trouvant au milieu d'Esprits souffrants, désespérant
de leur pardon, n'est-ce pas l'enfer avec ses pleurs et ses grincements de
dents ? Est-il besoin d'en faire une fournaise avec des flammes et des fourches
? Cette croyance à la perpétuité des souffrances est, comme on le sait, un des
châtiments infligés aux Esprits coupables. Cet état dure tant que l'Esprit ne
se repent pas, et il durerait toujours s'il ne se repentait jamais, car Dieu ne
pardonne qu'au pécheur repentant. Dès que le repentir entre dans son cœur, un
rayon d'espérance lui fait entrevoir la possibilité d'un terme à ses maux ;
mais le repentir seul ne suffit pas ; Dieu veut l'expiation et la réparation,
et c'est par les réincarnations successives que Dieu donne aux Esprits
imparfaits la possibilité de s'améliorer. Dans l'erraticité ils prennent des
résolutions qu'ils cherchent à exécuter dans la vie corporelle ; c'est ainsi
qu'à chaque existence, laissant quelques impuretés, ils arrivent graduellement
à se perfectionner, et font un pas en avant vers la félicité éternelle. La
porte du bonheur ne leur est donc jamais fermée, mais ils l'atteignent dans un
temps plus ou moins long, selon leur volonté et le travail qu'ils font sur
eux-mêmes pour le mériter.
On ne peut admettre la toute-puissance de Dieu sans la prescience ; dès lors on
se demande pourquoi Dieu, sachant en créant une âme quelle devait faillir sans
pouvoir se relever, l'a tirée du néant pour la vouer à des tourments éternels ?
Il a donc voulu créer des âmes malheureuses ? Cette proposition est
insoutenable avec l'idée de bonté infinie qui est un de ses attributs
essentiels. De deux choses l'une, ou il le savait, ou il ne le savait pas ;
s'il ne le savait pas, il n'est pas tout-puissant ; s'il le savait, il n'est ni
juste ni bon ; or, ôter une parcelle de l'infini des attributs de Dieu, c'est
nier la Divinité. Tout se concilie, au contraire, avec la possibilité laissée à
l'Esprit de réparer ses fautes. Dieu savait qu'en vertu de son libre arbitre,
l'Esprit faillirait, mais il savait aussi qu'il se relèverait ; il savait qu'en
prenant la mauvaise route il retardait son arrivée au but, mais qu'il
arriverait tôt ou tard, et c'est pour le faire arriver plus vite qu'il
multiplie les avertissements sur son chemin ; s'il ne les écoute pas, il n'en
est que plus coupable, et mérite la prolongation de ses épreuves. De ces deux
doctrines quelle est la plus rationnelle ?
A. K.
Saint-Jean d'Angély, 11 août.
- Nos questions vous seraient-elles désagréables ?
- Cela me rappelle de poignants souvenirs ; mais maintenant que je suis rentré
en grâce par mon repentir, je suis heureux de pouvoir donner ma vie en exemple,
afin de prémunir mes frères contre les passions qui pourraient les entraîner
comme moi.
- Votre genre de mort, comparé à celui de votre femme, nous fait supposer qu'on
vous a appliqué la peine du talion, et que ces paroles du Christ ont été
accomplies dans votre personne : « Celui qui frappe par l'épée périra par
l'épée. » Veuillez donc nous dire comment vous avez étouffé votre victime ?
- Dans son lit, comme je l'ai dit, entre deux matelas, après lui avoir mis un
bâillon pour l'empêcher de crier.
- Jouissiez-vous d'une bonne réputation dans votre voisinage ?
- Oui ; j'étais pauvre, mais honnête et estimé ; ma femme était également d'une
famille honorable ; et c'est une nuit, pendant laquelle la jalousie m'avait
tenu éveillé, que je vis sortir un homme de sa chambre ; ivre de fureur, et ne
sachant ce que je faisais, je me rendis coupable du crime que je vous ai
dévoilé.
- Avez-vous revu votre femme dans le monde spirite ?
- Ce fut le premier Esprit qui s'offrit à ma vue, comme pour me reprocher mon
crime. Je l'ai vue longtemps et malheureuse aussi ; ce n'est que depuis qu'il
est décidé que je serai réincarné que je suis débarrassé de sa présence.
Remarque. La vue incessante des victimes est un des châtiments les plus ordinaires infligés aux Esprits criminels. Ceux qui sont plongés dans les ténèbres, ce qui est très fréquent, ne peuvent souvent pas y échapper. Ils ne voient rien, si ce n'est ce qui peut leur rappeler leur crime.
- Lui avez-vous demandé de vous pardonner ?
- Non ; nous nous fuyions sans cesse, et nous nous retrouvions toujours vis à
vis l'un de l'autre pour nous torturer réciproquement.
- Cependant du moment que vous vous êtes repenti, il a été nécessaire de lui
demander pardon ?
- Du moment que je me suis repenti, je ne l'ai plus revue.
- Savez-vous où elle est maintenant ?
- Je ne sais ce qu'elle est devenue, mais il vous sera facile de vous en
informer, auprès de votre guide spirituel, saint Jean-Baptiste.
- Quelles ont été vos souffrances comme Esprit ?
- J'étais entouré d'Esprits désespérés ; moi-même je ne croyais jamais sortir
de cet état malheureux ; nulle lueur d'espoir ne brillait à mon âme endurcie ;
la vue de ma victime couronnait mon martyre.
- Comment avez-vous été amené à un état meilleur ?
- Du milieu de mes frères en désespoir, un jour j'ai visé un but que, je le
compris bientôt, je ne pouvais atteindre que par le repentir.
- Quel était ce but ?
- Dieu, dont tout être a l'idée malgré lui.
- Vous avez déjà dit deux fois que vous alliez être bientôt réincarné ; y
a-t-il de l'indiscrétion à vous demander quel genre d'épreuves vous avez choisi
?
- La mort moissonnera tous les êtres qui me seront chers, et moi-même je
passerai par les maladies les plus abjectes.
- Etes-vous heureux maintenant ?
- Relativement, oui, puisque j'entrevois un terme à mes souffrances ;
effectivement, non.
- Du moment où vous êtes tombé en léthargie, jusqu'au moment où vous vous êtes
réveillé dans votre bière, avez-vous vu et entendu ce qui se passait autour de
vous ?
- Oui, mais si vaguement que je croyais faire un rêve.
- 28. En quelle année êtes-vous mort ?
- En 1612.
- (A saint Jean-Baptiste.) G. Remone n'a-t-il pas été contraint par punition,
sans doute, de venir à notre évocation confesser son crime ? Cela semble
résulter de sa première réponse, dans laquelle il parle de la justice de Dieu.
- Oui, il y fut forcé, mais il s'y résigna volontiers lorsqu'il y vit un moyen
de plus d'être agréable à Dieu en vous servant dans vos études spirites.
- Cet Esprit s'est sans doute trompé quand il a dit (question 6) : « Je savais
que je devais commettre un crime. » Il savait probablement qu'il serait exposé
à commettre un crime, mais ayant son libre arbitre il pouvait fort bien ne pas
succomber à la tentation.
- Il s'est mal expliqué ; il aurait du dire : « Je savais que ma vie serait
pleine de remords. » Il était libre de choisir un autre genre d'épreuve ; or,
pour avoir des remords, il faut supposer qu'il commettrait une mauvaise action.
- Ne pourrait-on pas admettre qu'il n'a eu son libre arbitre qu'à l'état errant
en choisissant telle ou telle épreuve, mais que, cette épreuve une fois
choisie, il n'avait plus, comme incarné, la liberté de ne pas commettre
l'action, et qu'il fallait nécessairement que le crime fût accompli par lui ?
- Il pouvait l'éviter ; son libre arbitre, il l'avait comme Esprit et à l'état
d'incarné ; il pouvait donc résister, mais ses passions l'ont entraîné.
Remarque. Il est évident que l'Esprit ne s'était pas bien rendu compte de sa
situation ; il a confondu l'épreuve, c'est-à-dire la tentation de faire, avec
l'action ; et comme il a succombé, il a pu croire à une action fatale choisie
par lui, ce qui ne serait pas rationnel. Le libre arbitre est le plus beau
privilège de l'esprit humain, et une preuve éclatante de la justice de Dieu qui
rend l'Esprit l'arbitre de sa destinée, puisqu'il dépend de lui d'abréger ses
souffrances ou de les prolonger par son endurcissement et son mauvais vouloir.
Supposer qu'il puisse perdre sa liberté morale comme incarné, serait lui ôter
la responsabilité de ses actes. On peut voir par là qu'il ne faut admettre
qu'après mûr examen certaines réponses des Esprits, surtout quand elles ne sont
pas de tous points conformes à la logique.
A.K.
- Devons-nous supposer qu'un Esprit puisse, comme épreuve, choisir une vie
de crimes, puisqu'il choisit le remords, qui n'est que la conséquence de
l'infraction à la loi divine ?
- Il peut choisir l'épreuve d'y être exposé, mais, ayant son libre arbitre, il
peut aussi ne pas succomber. Ainsi G. Remone avait choisi une vie remplie de
chagrins domestiques qui lui susciteraient l'idée d'un crime, lequel devait
inonder sa vie de remords s'il l'accomplissait. Il voulut donc tenter cette
épreuve pour essayer d'en sortir victorieux. Votre langage est si peu en
harmonie avec la manière de communiquer des esprits, qu'il arrive très souvent
qu'il y a des rectifications à faire dans les phrases que vous donnent les
médiums, surtout les médiums intuitifs ; par la combinaison des fluides, nous
leur transmettons l'idée qu'ils traduisent plus ou moins bien, selon que cette
combinaison est plus ou moins facile entre le fluide de notre périsprit, et le
fluide animal du médium.
Saint-Jean d'Angély, 12 août.
- (A saint Jean.) Pourrions-nous évoquer l'Esprit de la femme de G. Remone ?
- Non ; elle est réincarnée.
- Sur la terre ?
- Oui.
- Si nous ne pouvons l'évoquer comme Esprit errant, ne pourrions-nous le faire
comme incarné, et ne pourriez-vous nous dire quand elle dormira ?
- Vous le pouvez en ce moment, car les nuits pour cet Esprit sont les jours
pour vous.
Évocation de l'Esprit de la femme Remone. L'Esprit se manifeste.
- Vous rappelez-vous l'existence dans laquelle on vous nommait madame Remone ?
- Oui ; oh ! pourquoi me faire souvenir de ma honte et de mon malheur ?
- Si ces questions vous causent quelque peine, nous les cesserons.
- Je vous en prie.
- Notre but n'est pas de vous faire de la peine ; nous ne vous connaissons pas,
et ne vous connaîtrons probablement jamais ; nous voulons seulement faire des
études spirites.
- Mon esprit est tranquille, pourquoi vouloir l'agiter par des souvenirs
pénibles ? Ne pouvez-vous donc faire des études sur des Esprits errants ?
- (A saint Jean.) Devons-nous cesser nos questions qui paraissent réveiller un
souvenir pénible chez cet Esprit ?
- Je vous y engage ; c'est encore une enfant, et la fatigue de son Esprit
réagirait sur son corps ; du reste, c'est à peu de chose près la répétition de
ce que vous a dit son mari.
- G. Rémone et sa femme se sont-ils pardonnés leurs torts réciproques ?
- Non ; il faut pour cela qu'ils arrivent à un degré de perfection plus élevé.
- Si ces deux Esprits se rencontraient sur la terre à l'état d'incarné, quels
sentiments éprouveraient-ils l'un pour l'autre ?
- Ils n'éprouveraient que de l'antipathie.
- G. Rémone revoyant, comme visiteur, son corps dans le caveau de Saint-Michel,
éprouverait-il une sensation inconnue aux autres curieux ?
- Oui ; mais cette sensation lui semblerait toute naturelle.
- A-t-il revu son corps depuis qu'on l'a retiré de terre ?
- Oui.
- Quelles ont été ses impressions ?
- Nulles ; vous savez bien que les Esprits dégagés de leur enveloppe voient les
choses d'ici-bas d'un autre œil que vous autres incarnés.
- Pourrions-nous obtenir quelques renseignements sur la position actuelle de la
femme Remone ?
- Questionnez.
- Quel est aujourd'hui son sexe ?
- Féminin.
- Son pays natal ?
- Elle est dans les Antilles la fille d'un riche négociant.
- Les Antilles appartiennent à plusieurs puissances ; quelle est sa nation ?
- Elle habite la Havane.
- Pourrions-nous savoir son nom ?
- Ne le demandez pas.
- Quel est son âge ?
- Onze ans.
- Quelles seront ses épreuves ?
- La perte de sa fortune ; un amour illégitime et sans espoir, joints à la
misère et aux travaux les plus pénibles.
- Vous dites un amour illégitime ; aimera-t-elle donc son père, son frère, ou
l'un des siens ?
- Elle aimera un homme consacré à Dieu, seule et sans espoir de retour.
- Maintenant que nous connaissons les épreuves de cet Esprit, si nous
l'évoquions de temps à autre pendant son sommeil, aux jours de ses malheurs, ne
pourrions-nous lui donner quelques conseils pour relever son courage et mettre
son espoir en Dieu ; cela influerait-il sur les résolutions qu'il pourrait
prendre à l'état de veille ?
- Très peu ; cette jeune fille a déjà une imagination de feu et une tête de
fer.
- Vous avez dit que, dans le pays qu'elle habite, les nuits sont les jours pour
nous ; or, entre la Havane et Saint-Jean d'Angély, il n'y a qu'une différence
de cinq heures et demie ; comme il était ici deux heures au moment de
l'évocation, il devait être à la Havane huit heures et demie du matin ?
- Enfin elle sommeillait encore au moment où vous l'avez évoquée, tandis que
depuis longtemps vous étiez éveillés. On dort tard dans ces contrées quand on
est riche et qu'on n'a rien à faire.
Remarque. De cette évocation ressortent plusieurs enseignements. Si, dans la
vie extérieure de relation, l'Esprit incarné ne se souvient pas de son passé,
dégagé pendant le repos du corps, il se souvient. Il n'y a donc pas de solution
de continuité dans la vie de l'Esprit, qui, dans ses moments d'émancipation,
peut jeter un regard rétrospectif sur ses existences antérieures, et en
rapporter une intuition qui peut le diriger à l'état de veille.
Nous avons déjà, en maintes occasions, fait ressortir les inconvénients que
présenterait, à l'état de veille, le souvenir précis du passé. Ces évocations
nous en fournissent un exemple. On a dit que si G. Remone et sa femme se
rencontraient, ils éprouveraient l'un pour l'autre de l'antipathie ; que
serait-ce donc s'ils se rappelaient leurs anciennes relations ! La haine entre
eux se réveillerait inévitablement ; au lieu de deux êtres simplement
antipathiques ou indifférents l'un à l'autre, ils seraient peut-être ennemis
mortels ! Avec leur ignorance, ils sont plus eux-mêmes, et marchent plus
librement dans la nouvelle route qu'ils ont à parcourir ; le souvenir du passé
les troublerait en les humiliant à leurs propres yeux et aux yeux des autres.
L'oubli ne leur fait point perdre le bénéfice de l'expérience, car ils naissent
avec ce qu'ils ont acquis en intelligence et en moralité ; ils sont ce qu'ils
se sont faits ; c'est pour eux un nouveau point de départ. Si, aux nouvelles
épreuves que G. Remone aura à supporter, se joignait le souvenir des tortures
de sa dernière mort, ce serait un supplice atroce que Dieu a voulu épargner en
jetant pour lui un voile sur le passé.
A. K.
Saint-Jean d'Angély, 15 août.
- (A saint Jean.) Pouvons-nous évoquer le complice de la femme Remone ?
- Oui.
Évocation. L'Esprit se manifeste.
- Jurez au nom de Dieu que vous êtes l'Esprit de celui qui fut le rival de
Remone.
- Je le jurerai au nom de tout ce que vous voudrez.
- Jurez-le au nom de Dieu.
- Je le jure au nom de Dieu.
- Vous ne paraissez pas être un Esprit très avancé ?
- Occupez-vous de vos affaires et laissez-moi m'en aller.
Remarque. Comme il n'y a pas de portes fermées pour les Esprits, si celui-ci demande qu'on le laisse aller, c'est qu'une puissance supérieure le contraint de rester, sans doute pour son instruction.
- Nous nous occupons de nos affaires, car nous voulons savoir comment, dans
l'autre vie, la vertu est récompensée et le vice puni ?
- Oui, mon très cher, chacun reçoit récompense ou punition, selon ses œuvres ;
tâchez donc de marcher droit.
- Vos fanfaronnades ne nous effrayent pas ; nous mettons notre confiance en
Dieu ; mais vous paraissez encore bien arriéré.
- Je suis toujours Gros-Jean comme devant.
- Ne pouvez-vous donc répondre sérieusement à des questions sérieuses ?
- Pourquoi vous adressez-vous à moi, gens sérieux ? Je suis plutôt disposé à
rire qu'à faire de la philosophie ; j'ai toujours aimé les tables bien servies,
les femmes aimables et le bon vin.
- (A l'ange gardien du médium.) Pouvez-vous nous donner quelques renseignements
sur cet Esprit ?
- Il n'est pas assez avancé pour vous donner de bonnes raisons.
- Y aurait-il du danger à entrer en communication avec lui ? Pourrions-nous
l'amener à de meilleurs sentiments ?
- Cela pourra profiter plus à lui qu'à vous. Essayez, vous pourrez peut-être le
décider à envisager les choses à un autre point de vue.
- (A l'Esprit.) Savez-vous que l'Esprit doit progresser ; qu'il doit, par des
incarnations successives, arriver jusqu'à Dieu dont vous paraissez être bien
éloigné ?
- Je n'y ai jamais songé ; et puis j'en suis si loin ! Je ne veux pas
entreprendre un si long voyage.
Remarque. Voilà donc un Esprit qui, en raison de sa légèreté et de son peu
d'avancement, ne se doute pas de la réincarnation. Quand le moment sera venu
pour lui de reprendre une nouvelle existence, quel choix pourra-t-il faire ?
Evidemment un choix en rapport avec son caractère et ses habitudes, en vue de
jouir, et non en vue d'expier, jusqu'à ce que son Esprit soit assez développé
pour en comprendre les conséquences. C'est l'histoire de l'enfant inexpérimenté
qui se jette étourdiment dans toutes les aventures et qui acquiert l'expérience
à ses dépens. Rappelons ici que pour les Esprits arriérés, incapables de faire
un choix en connaissance de cause, il y a des incarnations obligatoires.
A. K.
- Avez-vous connu G. Remone ?
- Oui, vraiment, le pauvre diable…
- L'avez-vous soupçonné d'avoir tué sa femme ?
- J'étais un peu égoïste, m'occupant plus de moi que des autres ; lorsque
j'appris sa mort, je la pleurai sincèrement et n'ai pas cherché la cause.
- Quelle était alors votre position ?
- J'étais un pauvre clerc d'huissier ; un saute-ruisseau, comme vous dites
aujourd'hui.
- Après la mort de cette femme, avez-vous quelquefois pensé à elle ?
- Ne me rappelez donc pas tout cela.
- Nous voulons vous le rappeler, car vous paraissez meilleur que vous ne vous
faites.
- J'y ai bien pensé quelquefois, mais, comme j'étais sans souci de mon naturel,
son souvenir passait comme un éclair, sans laisser de traces.
- Quel était votre nom ?
- Vous êtes bien curieux, et, si je n'y étais forcé, je vous aurais déjà laissé
en plan avec votre morale et vos sermons.
- Vous viviez dans un siècle religieux ; n'avez-vous donc jamais prié pour
cette femme que vous aimiez ?
- C'est comme cela.
- Avez-vous revu G. Remone et sa femme dans le monde des Esprits ?
- J'ai été trouver de bons enfants comme moi, et quand ces pleurards voulaient
se montrer, je leur tournais le dos ; je n'aime pas à me faire de la peine, et…
- Continuez. –
- Je ne suis pas si bavard que vous ; je m'en tiendrai là, si vous le voulez
bien.
- Êtes-vous heureux aujourd'hui ?
- Pourquoi pas ? Je m'amuse à faire des niches à ceux qui ne s'en doutent pas,
et qui croient avoir affaire à de bons Esprits ; depuis qu'on s'occupe de nous,
nous faisons de bons tours.
- Ce n'est pas là le bonheur ; la preuve que vous n'êtes pas heureux, c'est que
vous avez dit que vous étiez forcé de venir ; or, ce n'est pas être heureux que
d'être forcé de faire ce qui déplaît.
- N'a-t-on pas toujours des supérieurs ? cela n'empêche pas d'être heureux.
Chacun prend son bonheur où il le trouve.
- Vous pourriez, avec quelques efforts, par la prière surtout, atteindre le
bonheur de ceux qui vous commandent.
- Je n'ai point pensé à cela ; vous allez me rendre ambitieux. Vous ne me
trompez pas, toujours ? N'allez pas tracasser mon pauvre Esprit pour rien.
- Nous ne vous trompons pas ; travaillez donc à votre avancement.
- Il faut se donner trop de mal, et je suis paresseux.
- Quand on est paresseux, on prie un ami de nous aider ; nous vous aiderons
donc ; nous prierons pour vous.
- Priez donc, pour que je me décide à prier moi-même.
- Nous prierons, mais priez de votre côté.
- Croyez-vous que si je priais cela me donnerait des idées dans le sens des
vôtres ?
- Sans doute ; mais priez de votre côté ; nous vous évoquerons jeudi 21, pour
voir le progrès que vous aurez fait et vous donner des conseils, si cela peut
vous être agréable.
- Au revoir alors.
- Voulez-vous nous dire votre nom maintenant ?
- Jacques Noulin.
Le lendemain, l'Esprit fut évoqué de nouveau, et on lui fit différentes questions sur la femme Rémone ; ses réponses furent assez peu édifiantes et dans le genre des premières. Saint Jean, consulté, répondit : « Vous avez eu tort de troubler cet Esprit et d'éveiller en lui l'idée de ses anciennes passions. On eût beaucoup mieux fait d'attendre le jour indiqué ; il était dans un trouble nouveau pour lui ; votre évocation l'avait jeté dans des idées d'un ordre tout à fait différent de ses idées habituelles ; il n'avait pu encore prendre de décision bien positive, cependant il se disposait à essayer de la prière. Laissez faire jusqu'au jour que vous lui avez indiqué ; d'ici là, s'il écoute les bons Esprits qui veulent vous aider dans votre bonne œuvre, vous pourrez obtenir quelque chose de lui. »
Saint-Jean d'Angély, jeudi 21.
- (A saint Jean.) Depuis notre dernière évocation, Jacques Noulin s'est-il
amendé ?
- Il a prié, et la lumière s'est faite dans son âme : il croit maintenant qu'il
est destiné à devenir meilleur et se dispose à y travailler.
- Quelle marche devons-nous suivre dans son intérêt ?
- Demandez-lui l'état actuel de son âme, et faites-le regarder en lui-même,
pour qu'il se rende compte de son changement.
- (A Jacques Noulin.) Avez-vous réfléchi, comme vous nous l'avez promis, et
pouvez-vous nous dire quelle est aujourd'hui votre manière d'envisager les
choses ?
- Je veux avant tout vous remercier ; vous m'avez épargné bien des années
d'aveuglement. Depuis quelques jours je comprends que Dieu est mon but ; que je
dois faire tous mes efforts pour me rendre digne d'arriver à lui. Une ère
nouvelle s'ouvre pour moi ; les ténèbres se sont dissipées, et je vois
maintenant la route que je dois suivre. J'ai le cœur rempli d'espérance, et
soutenu par les bons Esprits qui viennent en aide aux faibles. Je vais marcher
dans cette nouvelle voie où j'ai déjà trouvé la tranquillité et qui doit me
conduire au bonheur.
- Étiez-vous véritablement heureux, comme vous nous l'avez dit ?
- J'étais bien malheureux ; je le vois maintenant, mais je me trouvais heureux
comme tous ceux qui ne regardent pas au-dessus d'eux. Je ne pensais point à
l'avenir ; j'allais, comme sur la terre, en être insouciant, ne me donnant pas
la peine de penser sérieusement. Oh ! combien je déplore l'aveuglement qui m'a
fait perdre un temps si précieux ! Vous vous êtes fait un ami, ne l'oubliez
pas. Appelez-moi quand vous voudrez, et, si je le puis, je viendrai.
- Que pensent de votre disposition les Esprits avec lesquels vous aviez
l'habitude de vous réunir ?
- Ils se moquent de moi qui ai écouté les bons Esprits dont nous détestions
tous la présence et les conseils.
- Vous serait-il permis d'aller les revoir ?
- Je ne m'occupe plus que de mon avancement ; du reste, les bons anges qui
veillent sur moi et qui m'entourent de leurs soins ne me permettent plus de regarder
en arrière que pour me montrer quel abaissement était le mien.
Remarque. Il n'existe assurément aucun moyen matériel de constater
l'identité des Esprits qui se sont manifestés dans les évocations ci-dessus,
aussi ne l'affirmerons-nous pas d'une manière absolue. Nous faisons cette
réserve pour ceux qui croiraient que nous acceptons aveuglément tout ce qui
vient des Esprits ; nous péchons plutôt par un excès de défiance ; c'est qu'il
faut se garder de donner comme vérité absolue ce qui ne peut être contrôlé ;
or, en l'absence de preuves positives, il faut se borner à constater la
possibilité et chercher les preuves morales à défaut des preuves physiques.
Dans le fait dont il s'agit, les réponses ont un caractère évident de
probabilité et surtout de haute moralité ; on n'y voit aucune de ces
contradictions, aucun de ces défauts de logique qui choquent le bon sens et
décèlent la supercherie ; tout se lie et s'enchaîne parfaitement, tout concorde
avec ce que l'expérience a déjà montré ; on peut donc dire que l'histoire est
au moins vraisemblable, ce qui est déjà beaucoup. Ce qui est certain, c'est que
ce n'est point un roman inventé par les hommes, mais bien une œuvre
médianimique ; si c'était une fantaisie d'Esprit, elle ne pourrait venir que
d'un Esprit léger, car les Esprits sérieux ne s'amusent pas à faire des contes,
et les Esprits légers laissent toujours percer le bout de l'oreille. Ajoutons
que la Société Spirite de Saint-Jean d'Angély est un des centres les plus
graves et les mieux dirigés que nous ayons vus, et qu'elle n'est composée que
de personnes aussi recommandables par leur caractère que par leur savoir,
poussant même, si l'on peut dire, le scrupule à l'excès ; on la peut juger par
la sagesse et la méthode avec lesquelles les questions sont posées et formulées
; aussi toutes les communications que l'on y obtient attestent-elles la
supériorité des Esprits qui se manifestent. Les évocations ci-dessus ont donc
été faites dans d'excellentes conditions, tant pour le milieu que pour la
nature des médiums ; c'est au moins pour nous une garantie de sincérité
absolue. Nous ajouterons que la véracité de ce récit nous a été attestée de la
manière la plus explicite par plusieurs des meilleurs médiums de la Société de
Paris.
En n'envisageant la chose qu'au point de vue moral, une grave question se
présente. Voici deux Esprits, Remone et Noulin, tirés de leur situation et
amenés à de meilleurs sentiments par l'évocation et les conseils qu'on leur a
donnés. On peut se demander s'ils seraient restés malheureux dans le cas où on
ne les aurait pas évoqués, et ce qu'il en est de tous les Esprits souffrants
que l'on n'évoque pas ?
Nous ajouterons que ces deux Esprits étant arrivés au moment où ils pouvaient
être touchés par le repentir et recevoir la lumière, des circonstances
providentielles, quoique en apparence fortuites, ont provoqué leur évocation,
soit pour leur bien, soit pour notre instruction ; l'évocation était un moyen,
mais à défaut de celui-là, Dieu n'est pas à court de ressources pour venir en
aide aux malheureux, et l'on peut être certain que tout Esprit qui veut avancer
trouve toujours assistance d'une manière ou d'une autre.
A. K.
XXX
REVUE SPIRITE
JOURNAL D'ÉTUDES PSYCHOLOGIQUES
5° ANNÉE. N° 9. SEPTEMBRE 1862.
Page 257 à 266
Inauguration d'un groupe spirite à Bordeaux.
Discours d'ouverture.
En dépit de certains mauvais vouloirs, les groupes spirites se multiplient chaque jour, nous
nous faisons un plaisir et un devoir de mettre sous les yeux de nos nombreux lecteurs le discours prononcé à
Bordeaux à l'ouverture de l'un d'eux, par son fondateur, M. Condat, le 20 mars 1862. La manière dont la grave question du Spiritisme y est envisagée prouve combien, maintenant, on en comprend le but essentiel et la véritable portée. Nous sommes heureux de dire que ce sentiment est général aujourd'hui, car partout le sentiment de la curiosité fait place au désir sérieux de s'instruire et de s'améliorer, c'est ce que nous avons été à même de constater dans les visites que nous avons faites en différentes villes de province, nous avons vu s'attacher aux communications instructives, et priser à leur valeur, les médiums qui les obtiennent. Ceci est un fait caractéristique dans l'histoire de l'établissement du Spiritisme.
Nous ne connaissons nullement le groupe dont nous parlons, mais nous jugeons de ses tendances par le discours d'ouverture, l'orateur n'eût pas tenu ce langage en présence d'un auditoire léger et
superficiel et réuni en vue de se distraire. Ce sont les réunions sérieuses qui donnent une idée sérieuse du Spiritisme. Voilà pourquoi nous ne saurions trop en encourager la multiplication.
Mesdames et messieurs,
En vous priant d'accepter les remerciements que j'ai l'honneur de vous présenter pour le bienveillant accueil que vous avez fait à mon invitation, permettez-moi de vous adresser quelques paroles sur le sujet de notre réunion. A défaut de talent, vous y verrez, du moins je l'espère, la conviction d'un homme profondément dévoué au progrès de l'humanité. Bien souvent le voyageur intrépide, aspirant à atteindre le faîte d'une montagne, rencontre l'étroit sentier obstrué par un roc, bien souvent aussi, dans la marche des âges, l'humanité qui tend à se rapprocher de Dieu rencontre son obstacle, son rocher, c'est le matérialisme.
Elle stationne quelque temps, quelques siècles peut-être, mais la force invincible à laquelle elle obéit, agissant en raison de la résistance, triomphe de l'obstacle, et l'humanité, toujours sollicitée de marcher en avant, repart avec un élan plus vif.
Ne nous étonnons donc pas, messieurs, lorsque se manifeste une de ces grandes idées qui décèlent le mieux l'origine céleste de l'homme, lorsque se produit un de ces faits prodigieux qui viennent déranger les calculs restreints et les observations bornées de la science matérialiste, ne nous étonnons pas et surtout ne nous laissons pas décourager par les résistances qui surviennent à l'encontre de tout ce qui peut servir à démontrer que l'homme n'est pas seulement un peu de boue dont les éléments seront restitués à la terre après la mort.
Constatons plutôt, et constatons-le avec bonheur, nous, les adeptes du Spiritisme, nous les enfants du dix-neuvième siècle, fils lui-même d'un siècle qui a été la manifestation la plus complète, l'incarnation, pour ainsi dire, du scepticisme et de ses décourageantes conséquences, constatons-le, l'humanité marche à cette heure !
Voyez le progrès que fait ici le Spiritisme, dans cette belle, grande et intelligente cité, voyez comme le doute s'efface partout aux clartés de la science nouvelle. Comptons-nous, messieurs, et avouons-le avec sincérité, combien d'entre nous qui, la veille encore, avaient sur les lèvres le sourire de l'incrédulité ont aujourd'hui le pied dans la voie, et au coeur la résolution de ne pas retourner en arrière. Cela se conçoit, on s'est placé dans le courant, il nous entraîne. Quelle est donc cette doctrine, messieurs, où mène-t-elle ?
Relever le courage de l'homme, le soutenir dans ses défaillances, le rendre fort contre les vicissitudes de la vie, raviver sa foi, lui prouver l'immortalité de son âme, non pas seulement par des démonstrations, mais par des faits, la voilà, cette doctrine, voilà où elle aboutit !
Quelle autre doctrine produira sur le moral et sur l'intellect de meilleurs résultats ? Sera-ce la négation d'une vie future qu'on pourra lui opposer comme préférable, dans l'intérêt de l'humanité tout entière et pour la perfection morale et intellectuelle de chaque homme isolément ?
En prenant pour principe ces mots qui résument le matérialisme tout entier : « Tout finit quand s'ouvre la tombe, » avec cette maxime désolante qu'arrive-t-on à produire, sinon le néant ? J'éprouve une sorte de sentiment pénible, une sorte de pudeur d'avoir fait un parallèle entre ces deux extrêmes : l'espoir de retrouver dans un monde meilleur des êtres chéris dont l'âme a ouvert les ailes, l'horreur invincible que nous éprouvons, que l'athée éprouve lui-même à la pensée que tout l'anéantirait avec le dernier souffle de la partie mortelle de notre être, suffiraient pour repousser toute idée de comparaison. Mais cependant, messieurs, si toutes les consolations que renferme le Spiritisme n'étaient qu'à l'état de croyances seulement, si ce n'étant qu'un système de pure spéculation, une ingénieuse fiction, comme l'ont objecté les apôtres du matérialisme, pour soumettre les intelligences faibles à certaines règles appelées arbitrairement vertu, et les retenir ainsi en dehors des appétits séduisants de la matière, compensation qu'en un jour de pitié, l'auteur de cet ordre fatal qui donne tout aux uns et réserve la souffrance au plus grand nombre, aurait accordée à ceux-ci pour s'étourdir.
N'est-ce pas, messieurs, que pour les intelligences fortes, pour l'homme qui sait faire un usage légitime de sa raison, ces ingénieuses combinaisons, établies comme conséquences d'un principe sans base et fruit seulement de l'imagination, seraient un tourment de plus ajouté aux tourments d'une fatalité à laquelle on ne pourrait se soustraire ?
La démonstration est une chose admirable sans doute, elle prouve avant tout la raison humaine, l'âme, cette abstraction de la matière. Mais jusqu'à ce jour son point de départ unique a été ce mot de Descartes : « Je pense, donc je suis. » Aujourd'hui, le Spiritisme est venu donner une force immense au principe de l'immortalité de l'âme en l'étayant de faits tangibles, irréfutables.
Ce qui précède explique comment et pourquoi nous nous trouvons réunis ici. Mais laissez-moi encore, messieurs, vous faire part d'une impression que j'ai toujours ressentie, d'un désir qui s'est constamment renouvelé chaque fois que je me suis trouvé en présence d'une société, poursuivant comme but un perfectionnement de l'homme moral. J'aurais voulu être de la première réunion, participer aux premières communications d'âme à âme des fondateurs, j'aurais voulu présider au développement du germe de l'idée, germe qui, comme la graine devenue géant, a donné plus tard d'abondants fruits.
Eh bien ! Messieurs, aujourd'hui que j'ai le bonheur de vous réunir pour vous proposer de former un nouveau groupe spirite, mon idée reçoit satisfaction entière, et je vous prie de conserver comme moi dans votre coeur, dans votre souvenir, la date du 20 mars. Maintenant, messieurs, il est temps de passer dans la pratique : j'ai trop tardé peut-être. Sans transition, pour réparer la perte du temps trop largement accordé à des épanchements, j'aborderai donc l'objet de notre réunion en vous priant de vous prémunir contre une objection qui se présentera naturellement à votre esprit comme elle s'est présentée au mien sur la nécessité indispensable de médiums quand on veut former un groupe spirite. C'est là, messieurs, l'apparence d'une difficulté, et non une difficulté. Au début, en l'absence de médiums, nos soirées ne seront pas passées stérilement, croyez-le. Voici une idée que je vous soumets en appelant vos conseils ; nous procéderions ainsi !
La première de chaque séance serait donnée à des lectures dans le Livre des Esprits et dans celui des médiums. La seconde partie serait consacrée à la formation de médiums parmi nous, et croyez-le bien, messieurs, si nous suivons les conseils et les enseignements qui nous sont donnés dans les ouvrages de notre vénéré chef, M. Allan Kardec, la faculté médianimique ne tardera pas à se développer chez la plupart de nous, et c'est alors que nos travaux recevront leur plus douce, leur plus large récompense ; car Dieu, le grand Créateur de toutes choses, le juge infaillible, ne peut se tromper sur le bon usage que nous voulons faire de la précieuse faculté médiaminique. Il ne manquera donc pas, pour nous donner la plus belle récompense que nous puissions ambitionner, de permettre que l'un de nous, au moins, obtienne cette faculté au même degré que plusieurs des médiums sérieux que nous avons le bonheur de posséder ce soir.
Nos bien-aimés frères Gourgues et Sabô, que j'ai l'honneur de vous présenter, ont bien voulu aussi, en assistant à notre séance d'installation, lui donner un plus grand degré de solennité. Qu'ils nous donnent l'espoir, et nous leur en adressons la prière, que bien souvent, aussi souvent qu'il leur sera possible, ils viendront nous visiter ; leur présence fortifiera notre foi, ranimera l'ardeur de ceux d'entre nous qui, par suite d'insuccès dans leurs premières tentatives médianimiques, pourraient tomber dans le découragement.
Surtout, messieurs, ne faisons pas fausse route ; rendons-nous bien compte de notre entreprise, de son but ; il se tromperait gravement celui qui ne serait tenté de faire partie du nouveau groupe que nous allons former, que dans l'espoir d'y trouver des distractions futiles et en dehors de la vraie morale prêchée par les bons Esprits.
« Le but essentiel du Spiritisme, a dit notre vénéré chef, est l'amélioration des hommes. Il n'y faut chercher que ce qui peut aider au progrès moral et intellectuel. Il ne faut pas perdre de vue enfin que la croyance au Spiritisme n'est profitable qu'à celui dont on peut dire : Il vaut mieux aujourd'hui qu'hier. »
N'oublions pas que notre pauvre planète est un lieu de purgatoire où nous expions, par notre existence actuelle, les fautes que nous avons commises dans les précédentes. Cela prouve une chose, messieurs, c'est qu'aucun de nous ne peut se dire parfait ; car, tant que nous aurons à expier les fautes, nous serons réincarnés.
Notre présence sur la terre atteste donc notre imperfection.
Le spiritisme a planté les jalons de la route qui conduit aux pieds de Dieu ; marchons sans jamais les perdre de vue. La ligne tracée par les bons Esprits, géomètres de la Divinité, est bordée de précipices, les ronces et les épines en sont les marges, ne craignons pas leurs piqûres. Que sont de pareilles blessures comparées au bonheur éternel qui accueillera le voyageur au terme de sa course ? Ce terme, ce but, messieurs est depuis longtemps déjà l'objet de mes méditations. En embrassant d'un regard mon passé, en me retournant pour reconnaître encore la ronce qui m'avait déchiré, l'obstacle qui m'avait fait trébucher dans le sentier, je n'ai pu m'empêcher de faire ce que tout homme fait au moins une fois dans sa vie, le compte pour ainsi dire de ses joies et de ses douleurs, de ses bons moments de courage, de ses heures de défaillance. Et de tête reposée, l'âme libre, c'est-à-dire replié sur elle-même, dégagée de la matière, je me suis dit :
L'existence humaine n'est qu'un rêve, mais un rêve affreux commençant alors que l'âme ou l'Esprit incarné de l'enfant s'éclaire aux premières lueurs de l'intelligence, pour cesser dans les évanouissements de la mort. La mort ! Ce mot d'épouvante pour tant de monde, n'est donc en réalité que le réveil de cet affreux sommeil, le bienfaiteur secourable qui nous délivre du cauchemar insupportable qui nous a accompagnés pas à pas, depuis notre naissance.
Je parle en général, mais non d'une manière absolue, la vie de l'homme de bien n'a plus ces mêmes caractères, ce qu'il a fait de bon, de grand, d'utile, illumine de pures clartés le songe de son existence.
Pour lui, le passage de la vie à la mort se fait sans douloureuse transition, il ne laisse rien derrière lui qui puisse compromettre l'avenir de sa nouvelle existence spirituelle, récompense de ses bienfaits.
Mais pour ceux-là, au contraire, volontaires aveugles qui auront constamment fermé les yeux pour mieux nier l'existence de Dieu, qui se seront refusés à la contemplation du sublime spectacle de ses oeuvres divines, preuves et manifestations de sa bonté, de sa justice, de sa puissance ; ceux-là, dis-je, auront un affreux réveil, plein de regrets amers, regrets surtout d'avoir méconnu les bienfaisants conseils de leurs frères spirites, et la souffrance morale qu'ils subiront durera jusqu'au jour où un repentir sincère les fera prendre en pitié par Dieu, qui leur accordera la faveur d'une incarnation nouvelle.
Beaucoup de personnes voient encore dans les communications spirites l'oeuvre du démon, mais cependant le nombre en diminue chaque jour. Cette heureuse décroissance tient évidemment à ce que la curiosité amenant soit à visiter les groupes spirites, soit à lire le Livre des Esprits, il se trouve toujours dans le nombre des curieux quelques personnes qui se convainquent, surtout parmi celles qui lisent le Livre des Esprits, car ne croyez pas, messieurs, amener beaucoup d'adeptes à notre sublime doctrine en faisant de prime abord assister à nos séances, non, j'en ai l'intime conviction, une personne complètement étrangère à la doctrine ne sera pas convaincue par ce qu'elle verra dans nos séances, elle sera plutôt disposée à rire des phénomènes qu'on y obtient qu'à les prendre au sérieux.
Quant à moi, messieurs, je crois avoir beaucoup plus fait pour la nouvelle doctrine lorsque, au lieu de faire assister une personne à l'une de nos séances, j'ai pu la décider à lire le Livre des Esprits.
Quand j'ai la certitude que cette lecture a été faite et qu'elle a produit les fruits qu'elle ne peut manquer de produire, oh ! C'est alors que je conduis avec bonheur la personne dans un groupe spirite, car n'ai-je pas la certitude à ce moment qu'elle se rendra compte de tout ce qu'elle verra et entendra, et que ce qui l'eût probablement fait rire avant la lecture de ce livre produira à cette heure des effets diamétralement opposés ?
Je n'entends pas dire qu'elle pleurera.
Puis-je mieux terminer, messieurs, que par une citation puisée dans le Livre des Esprits, elle convaincra, beaucoup mieux que mes faibles moyens ne me le permettent, ceux qui doutent encore du fond de vérité sur lequel reposent les croyances spirites : « Ceux qui disent que les croyances spirites menacent d'envahir le monde en proclament par cela même la puissance, car une idée sans fondement et dénuée de logique ne saurait devenir universelle. Si donc le Spiritisme s'implante partout, s'il se recrute surtout dans les classes éclairées, ainsi que chacun le reconnaît, c'est qu'il a un fond de vérité.
Contre cette tendance, tous les efforts de ses détracteurs seront vains, et ce qui le prouve, c'est que le ridicule même dont ils ont cherché à le couvrir, loin d'en arrêter l'essor, semble lui avoir donné une nouvelle vie. Ce résultat justifie pleinement ce que nous ont dit maintes fois les Esprits : « Ne vous inquiétez pas de l'opposition, tout ce que l'on fera contre vous tournera pour vous, et vos plus grands adversaires serviront votre cause sans le vouloir. Contre la volonté de Dieu, la mauvaise volonté des hommes ne saurait prévaloir. »
CONDAT.
Lettre à un Prédicateur, par M. Dombre.
Le P. F…, dominicain, ayant prêché à Marmande pendant le mois de mai dernier, crut devoir, dans l'un de ses derniers sermons, jeter quelques pierres contre le Spiritisme. M. Dombre aurait désiré une discussion plus approfondie sur ce sujet, et que M. Labbé F…, au lieu de se renfermer dans des attaques banales, abordât résolument certaines question de détails, mais, craignant que son nom n'eût pas assez de poids pour l'y décider, il lui écrivit la lettre suivante sous le pseudonyme de Un Catholique :
« Monsieur le prédicateur,
Je suis avec assiduité vos instructions dogmatiques de chaque soir. Par une fatalité que je déplore, j'arrivai un peu plus tard que de coutume vendredi, et j'appris à la sortie de l'église que vous aviez commencé, sous forme d'escarmouche, une attaque contre le Spiritisme, je m'en réjouis au nom des catholiques fervents. Si j'ai été bien renseigné, voici les questions que vous auriez effleurées :
1° Le Spiritisme est une religion nouvelle du dix-neuvième siècle.
2° Il y a incontestablement communication avec les Esprits.
3° Les communications avec les Esprits, bien constatées, bien reconnues, vous vous chargez de prouver, à la suite de longues et sérieuses études que vous avez faites sur le Spiritisme, que les Esprits qui se communiquent ne sont autres que le démon.
4° Enfin, il serait dangereux, au point de vie du salut de l'âme, de s'occuper du Spiritisme avant que l'Église ne se soit prononcée à cet égard. J'aime bien ce quatrième article, mais si l'on reconnaît d'avance que c'est le démon, l'Église n'a plus rien à faire (7). « Voilà quatre questions importantes que je brûle de voir résolues pour confondre du même coup les Spirites et les catholiques de nom qui ne croient ni au démon ni aux peines éternelles, tout en admettant un.
(7) Si l'Eglise ne s'est point encore prononcée, la question du démon n'est donc qu'une opinion individuelle qui n'a pas de sanction légale, et cela est si vrai que tous les ecclésiastiques ne la partagent pas, et nous en connaissons beaucoup dans ce cas.
Jusqu'à plus ample information, le doute est permis, et l'on peut voir dès à présent que cette doctrine du démon a peu d'empire sur les masses. Si jamais l'Église la proclamait officiellement, il serait à craindre qu'il n'en advînt de ce jugement ce qui est advenu de la déclaration d'hérésie et de la condamnation prononcée jadis contre le mouvement de la terre, ce qu'il en est advenu de nos jours des anathèmes lancés contre la science à propos des six périodes de la création. Nous croyons que le clergé ferait sagement et prudemment de ne pas trop se hâter de trancher la question, en affirmant une chose qui jusqu'à présent provoque plus d'incrédulité et plus de rires que d'effroi, et à laquelle nous pouvons certifier que beaucoup de prêtres ne croient pas plus que nous, parce qu'elle est illogique. S'exposer à recevoir un démenti de l'avenir et à se voir forcé de reconnaître qu'on s'est trompé, c'est nuire à l'autorité morale de l'Église qui proclame l'infaillibilité de ses jugements. Mieux vaudrait donc s'abstenir.
Au reste, quoi qu'on ait pu dire et faire contre le Spiritisme, l'expérience est là pour prouver que sa marche est irrésistible, c'est une idée qui s'implante partout avec une rapidité prodigieuse, parce qu'elle satisfait à la fois la raison et le coeur. Pour l'arrêter, il faudrait lui opposer une doctrine qui satisfît davantage, et ce ne sera certainement pas celle du démon et des peines éternelles.
A.K.
Dieu et l'immortalité de l'âme, et les matérialistes qui ne croient à rien. A cette première question : le Spiritisme est une religion, les Spirites disent : Non, le Spiritisme n'est pas une religion, il ne prétend pas être une religion. Le Spiritisme est fondé sur l'existence d'un monde invisible formé d'êtres incorporels qui peuplent l'espace et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres globes. Ces êtres, qui nous entourent sans cesse, exercent sur les hommes à leur insu une grande influence,ils jouent un rôle très actif dans le monde moral et jusqu'à un certain point dans le monde physique. Le Spiritisme est dans la nature, et l'on peut dire que, dans un certain ordre de choses, c'est une puissance comme l'électricité en est une à un autre point de vue, comme la gravitation en est une autre. Le Spiritisme nous dévoile le monde invisible, il n'est pas nouveau, l'histoire de tous les peuples en fait mention. Le Spiritisme repose sur des principes.
XXX
REVUE SPIRITE
JOURNAL D'ÉTUDES
PSYCHOLOGIQUES
10° ANNÉE. N° 7.
JUILLET 1867.
Page 194 à 197
Courte excursion
spirite.
La société de
Bordeaux, reconstituée ainsi que nous l'avons dit dans notre précédent numéro,
s'est réunie cette année, comme l'année passée, en un banquet qui a eu lieu le
jour de la Pentecôte, banquet simple, disons-le tout de suite, comme il
convient en pareille circonstance, et à des gens dont le but principal est de
trouver une occasion de se réunir et de resserrer les liens de confraternité ;
la recherche et le luxe y seraient un non-sens. Malgré les occupations qui nous
retenaient à Paris, nous avons pu nous rendre à la gracieuse et pressante
invitation qui nous a été faite d'y assister. Celui de l'année dernière, qui
était le premier, n'avait réuni qu'une trentaine de convives; à celui de cette
année, il y en avait quatre fois plus, dont plusieurs venus d'une grande
distance; Toulouse, Marmande, Villeneuve, Libourne, Niort, Blaye et jusqu'à
Carcassonne, qui est à 80 lieues, y avaient leurs représentants. Tous les rangs
de la société y étaient confondus dans une communauté de sentiments; là, se
trouvaient l'artisan, le cultivateur à côté du bourgeois, du négociant, du médecin,
des fonctionnaires, des avocats, des hommes de science, etc.
Il serait superflu
d'ajouter que tout s'est passé comme cela devait être entre gens qui ont pour
devise: « Hors la charité point de salut, » et qui professent la tolérance pour
toutes les opinions et toutes les convictions. Aussi, dans les allocutions de
circonstance qui ont été prononcées, pas une parole n'a été dite, dont la
susceptibilité la plus ombrageuse aurait pu s'effaroucher; nos plus grands
adversaires même s'y seraient trouvés, qu'ils n'auraient pas entendu un mot, ni
une allusion à leur adresse.
L'autorité s'était
montrée pleine de bienveillance et de courtoisie à l'égard de cette réunion, et
nous devons l'en remercier. Nous ignorons si elle y était représentée d'une
manière occulte, mais à coup sûr elle a pu se convaincre là, comme toujours,
que les doctrines professées par les Spirites, loin d'être subversives, sont
une garantie de paix et de tranquillité; que l'ordre public n'a rien à craindre
de gens dont les principes sont ceux du respect des lois, et qui, dans aucune
circonstance, n'ont cédé aux suggestions des gents provocateurs qui cherchaient
à les compromettre. On les a toujours vus se retirer et s'abstenir de toute
manifestation ostensible, toutes les fois qu'ils ont pu craindre qu'on n'en fît
un prétexte de scandale.
Est-ce faiblesse de
leur part ? Non certes; c'est au contraire la conscience de la force de leurs
principes qui les rend calmes, et la certitude qu'ils ont de l'inutilité des
efforts tentés pour les étouffer; quand ils s'abstiennent, ce n'est pas pour
mettre leurs personnes à l'abri, mais pour éviter ce qui pourrait rejaillir sur
la doctrine. Ils savent qu'elle n'a pas besoin de démonstrations extérieures
pour triompher. Ils voient leurs idées germer partout, se propager avec une
puissance irrésistible; qu'auraient-ils besoin de faire du bruit ? Ils laissent
ce soin à leurs antagonistes, qui, par leurs clameurs, aident à la propagation.
Les persécutions même sont le baptême nécessaire de toutes les idées nouvelles
un peu grandes; au lieu de leur nuire, elles leur donnent de l'éclat; on en
mesure l'importance à l'acharnement qu'on met à les combattre. Les idées qui ne
s'acclimatent qu'à force de réclames et de mises en scène, n'ont qu'une
vitalité factice et de courte durée; celles qui se propagent d'elles-mêmes et
par la force des choses ont la vie en elles, et sont seules
durables; c'est le cas où se trouve le Spiritisme.
La fête s'est terminée
par une collecte au profit des malheureux, sans distinction de croyances, et
avec une précaution dont on ne peut que louer la sagesse. Pour laisser toute
liberté, n'humilier personne, et ne pas stimuler la vanité de ceux qui
donneraient plus que les autres, les choses ont été disposées de manière à ce
que personne, pas même les collecteurs, ne sût ce que chacun avait donné. La
recette a été de 85 fr., et des commissaires ont été
immédiatement désignés pour en faire l'emploi.
Malgré la brièveté
de notre séjour à Bordeaux, nous avons pu assister à deux séances de la société
: l'une consacrée au traitement des malades, et l'autre aux études
philosophiques. Nous avons ainsi pu constater par nous-même les bons résultats
qui sont toujours le fruit de la persévérance et de la bonne volonté.
Au compte rendu que
nous avons publié dans notre précédent numéro sur la société bordelaise, nous
pouvons,
en connaissance de cause, ajouter nos
félicitations personnelles. Mais elle ne doit pas se dissimuler que plus
elle prospérera, plus elle sera en butte aux
attaques de nos adversaires ; qu'elle se défie surtout des sourdes
manoeuvres que l'on pourrait ourdir contre elle, et des
pommes de discorde que, sous l'apparence d'un zèle
exagéré, on pourrait lancer dans son sein.
Le temps de notre
absence de Paris étant limité par l'obligation d'y être de retour à jour fixe,
nous n'avons pu, à notre grand regret, nous
rendre dans les différents centres où nous étions convié ; nous
n'avons pu que nous arrêter quelques instants à
Tours et à Orléans qui se trouvaient sur notre route. Là aussi
nous avons pu constater l'ascendant que la
doctrine acquiert chaque jour dans l'opinion, et ses heureux
résultats qui, pour n'être encore qu'individuels, n'en
sont pas moins satisfaisants.
A Tours la réunion
devait être à peu près de cent cinquante personnes, tant de la ville que
des environs, mais par suite de la précipitation
avec laquelle la convocation a été faite, les deux tiers
seulement ont pu s'y rendre. Une circonstance imprévue
n'ayant pas permis de profiter de la salle qui avait été
choisie, on s'est réuni, par une magnifique soirée,
dans le jardin d'un des membres de la société. A Orléans les
Spirites sont moins
nombreux, mais ce centre n'en compte pas moins bon nombre d'adeptes sincères et
dévoués auxquels nous avons été heureux de serrer la
main.
Un fait constant et
caractéristique, et que l'on doit considérer comme un grand progrès, c'est
la diminution graduelle et à peu près générale,
des préventions contre les idées spirites, même chez ceux qui
ne les partagent pas ; on reconnaît maintenant
à chacun le droit d'être Spirite, comme on a celui d'être juif ou
protestant ; c'est quelque chose. Les localités où,
comme à Illiers, dans le département d'Eure et Loir,
on
ameute les gamins pour leur courir sus à coups de
pierres, sont des exceptions de plus en plus rares.
Un autre signe de
progrès non moins caractéristique, c'est le peu d'importance que partout
les adeptes, même dans les classes les moins
éclairées, attachent aux faits de manifestations extraordinaires.
Si des effets de ce
genre se produisent spontanément, on les constate, mais on ne s'en émeut pas,
on ne les
recherche pas, et l'on s'attache encore moins à les
provoquer. On prise peu ce qui ne satisfait que les yeux et la
curiosité ; le but sérieux, de la doctrine, ses
conséquences morales, les ressources qu'elle peut offrir pour le
soulagement de la souffrance, le bonheur de retrouver
les parents ou amis que l'on a perdus, et de s'entretenir
avec eux, d'écouter les conseils qu'ils viennent
donner, font l'objet exclusif et préféré des réunions spirites.
Dans les campagnes
mêmes et parmi les artisans, un puissant médium à effets physiques serait moins
apprécié
qu'un bon médium écrivain donnant, par des
communications raisonnées, la consolation et l'espérance. Ce
qu'on cherche dans la doctrine, c'est avant tout
ce qui touche le coeur. C'est une chose remarquable que la
facilité avec laquelle les gens même les plus
illustres comprennent et s'assimilent les principes de cette
philosophie ; c'est parce qu'il n'est pas nécessaire
d'être savant pour avoir du coeur et du jugement. Ah ! disent-
ils, si l'on nous avait toujours parlé ainsi,
nous n'aurions jamais douté de Dieu et de sa bonté, même dans nos
plus grandes misères !
C'est quelque chose
sans doute de croire, car c'est déjà un pied mis dans la bonne voie ; mais
la croyance sans la pratique est une lettre
morte ; or, nous sommes heureux de dire que, dans notre courte
excursion, parmi de nombreux exemples des effets
moralisateurs de la doctrine, nous avons rencontré bon
nombre de ces Spirites de coeur qu'on pourrait dire
complets s'il était donné à l'homme d'être complet en quoi
que ce soit, et qu'on peut regarder comme les
types de la génération future transformée ; il y en a de tous
sexes, de tous âges et de toutes conditions,
depuis la jeunesse jusqu'à la limite extrême de l'âge, qui réalisent
dès cette vie les promesses qui nous sont faites
pour l'avenir. Ils sont faciles à reconnaître ; il y a dans tout
leur être un reflet de franchise et de sincérité
qui commande la confiance ; dès l'abord on sent qu'il n'y a
aucune arrière-pensée dissimulée sous des paroles
dorées ou d'hypocrites compliments. Autour d'eux, et dans
la médiocrité même, ils savent faire régner le
calme et le contentement. Dans ces intérieurs bénis on respire
une atmosphère sereine qui réconcilie avec
l'humanité, et l'on comprend le règne de Dieu sur la terre ;
bienheureux ceux qui savent en jouir par anticipation !
Dans nos tournées spirites, c'est moins le nombre des
croyants que nous supputons, et qui nous satisfait le
plus, que celui de ces adeptes qui sont l'honneur de la
doctrine, et qui en sont en même temps les plus
fermes soutiens, parce qu'ils la font estimer et respecter en
eux.
En voyant le nombre
des heureux que fait le Spiritisme, nous oublions facilement les
fatigues inséparables de notre tâche. C'est là une
satisfaction, un résultat positif, que la malveillance la plus
acharnée ne peut nous enlever ; on pourrait nous ôter
la vie, les biens matériels, mais jamais le bonheur
d'avoir contribué à ramener la paix dans des coeurs
ulcérés. Pour quiconque sonde les motifs secrets qui font
agir certains hommes, il y a des boues qui
salissent ceux qui la jettent, et non ceux à qui ils la jettent.
Que tous ceux qui
nous ont donné, dans ce dernier voyage, de si touchants témoignages de
sympathie, en reçoivent ici nos bien sincères
remerciements, et soient assurés qu'ils sont payés de retour.
XXX
REVUE
SPIRITE
JOURNAL BI -MENSUEL
D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES
27 è année N°8 15 Avril 1884
AVIS. -
L'administration de la Revue Spirite, rappelle aux abonnes qu'ils doivent
envoyer un mandat-poste, à l'ordre de M. Leymarie.
Les bureaux de poste, abonnent sans augmentation de prix.
SALLE DES CONFERENCES, A BORDEAUX.
La salle des conférences que M. J. Guerin
a fait bâtir à Bordeaux, 95, rue de la Croix-Blanche, sera inaugurée le
dimanche
27 Avril, à deux heures de l'après-midi. Les Spirites et tous
les amis de l'instruction et de l'éducation patriotique y sont conviés, puisque
cette salle est vouée à toutes les sociétés d'enseignement qui veulent élever
le niveau moral et intellectuel de la nation, et les Spirites sont au premier
rang parmi ces sociétés.
La cérémonie sera imposante, nous l'espérons. Des orateurs
renommés, tels que Augustin Dide, devant coopérer
activement à cette inauguration. - Le présent avis doit être considère par nos
lecteurs, comme une invitation fraternelle et personnelle qui leur est faite
par
M. J. Guerin.
Que les hommes de bonne volonté, nos F. E. Croyance, secondent
cette bonne oeuvre en faisant acte de présence. La salle est superbe, bien
aérée, et contient 1800 places.
XXX
LE SPIRITISME A BORDEAUX 06/1891
Léon Denis. l'auteur du beau et bon livre qui a tant de vogue : Après la mort,
a séjourné à Bordeaux et a pu y faire trois conférences publiques sur le
spiritisme; les deux premières à l'Athénée, rue des Trois-Conils, mis
gracieusement à sa disposition par la municipalité, et la troisième au local du
(troupe Girondin, rue Sainte-Catherine, les 3, 7,10 mai; à la première
conférence il y avait 300 auditeurs, 1100 à la seconde. Les affiches
annonçaient que la parole serait donnée aux contradicteurs. Il s’en est
présenté, en effet, mais leurs arguments étaient faciles à réfuter et nous
avons eu l'agréable surprise de voir le public bordelais applaudir aux
conclusions de l'orateur.
Après la conférence du 10, dans laquelle M. Léon Denis a eu la joie de voir
réunis autour de lui tous les spirites éminents de Bordeaux précédemment
divisés, on a jeté les bases d'une fédération spirite de la Gironde; une
commission de 25 membres a été élue pour rechercher les voies et moyens
susceptibles de favoriser la vulgarisation de notre doctrine; ont été nommés
entres autres : MM. Nègre, Blanckeman, Thibaud, Caron, Brisse, Menudsier,
Forest, Vigneau, etc., etc.
Nous attendons le compte rendu de cette belle campagne par l'un de nos frères;
ces conférences, et la fédération, nous l'espérons, sont appelées à produire de
bons fruits. L'opinion publique paraît très favorablement disposée en notre
faveur. Nous n'avons pas encore reçu les comptes rendus d'ensemble que doivent
publier les journaux locaux, mais voici en quels termes la Petite Gironde du 5
annonçait les conférences :
Conférence. — Ou nous prie d'annoncer que jeudi prochain, 7 mai, à trois heures
de l'après-midi, à l'Athénée, une seconde conférence publique et gratuite sera
faite par M. Léon Denis, conférencier de la Ligue de l’enseignement de Tours,
sur le sujet suivant :« le spiritisme expérimental devant la science et devant
la raison. »
XXX
REVUE SPIRITE /1903.
La France, de Bordeaux et du Sud-Ouest, du 20 novembre :
« M. L. Denis a fait lundi soir, en présence d'un public qui garnissait au
complet la vaste salle de l'Athénée, une conférence sur le spiritisme et traité
avec supériorité ces délicates questions psychiques qui intéressent à un si
haut point certains esprits chercheurs.
« M. L. Denis a été naturellement amené à parler de l'au-delà et de la
survivance des individus par delà l’horizon de la vie présente...
« Il a traité la question avec délicatesse et talent. Le langage aussi
scientifiquement précis que chatoyant que le conférencier a employé a rendu
doublement attachant, pour un public de choix, où les dames étaient en nombre,
le sujet spiritualiste qu'il nous a été donné d'entendre. »
« Il a traité la question avec délicatesse et talent. Le langage aussi
scien¬tifiquement précis que chatoyant que le conférencier a employé a rendu
doublement attachant, pour un public de choix, où les dames étaient en nombre,
le sujet spiritualiste qu'il nous a été donné d'entendre. » La France.
Bordeaux, 24 novembre :
« Devant une assistance nombreuse, M. L. Denis a fait, dimanche, salle de
l’Athénée, une deuxième conférence sur un sujet où il n’est pas sans éloquence
: la théorie des vies successives, phénomènes psychiques. Il a intéressé deux
heures durant ses auditeurs par une série d’exemples frappants... »
« L'auditoire, dit-il, a beaucoup applaudi ».
Le dimanche 21 décembre, dans une des salles de l'Athênée de Bordeaux, après un
discours de M. Léon Denis, et plusieurs allocutions de MM. le colonel Emery, G.
Thomas, délégué d'Agen, Cadaux, délégué de Tou¬louse, etc., une centaine de
délégués, venus de tous les points de la région, ont voté la fondation de la
Fédération spirite du Sud-Ouest.
Un comité de 30 membres a été élu. Celui-ci a
aussitôt constitué son bureau : Président d'honneur, M. Georges Thomas,
Président effectif, colo¬nel Emery ; Vice-Présidents : Cadaux, Mme Agullana,
Mme Garon, Secré¬taire-général : M. Bruslis, Trésorier : M. Charbonnel.
XXX
REVUE SCIENTIFIQUE ET MORALE DU SPIRITISME
Les conférences de Léon Denis 07/1904
C'est le dimanche 8 mai, qu’a eu lieu Bordeaux, sous le patronage de la Fédération
des spiritualistes du Sud-Ouest, la conférence tant attendue de M. Léon Denis.
Le nom de l'éminent orateur est un sûr garant de succès. Aussi le grand amphithéâtre
de l'Athénée Municipal, malgré ses vastes proportions, était-il trop petit
pour contenir la foule des admirateurs du célèbre conférencier, toute brillante,
parmi laquelle on distinguait nombre de personnalités marquantes, et quelques
membres du barreau. Nombre d'adhérents et de groupes de la région avaient
tenu à faire, tout exprès, le voyage, pour entendre la bonne parole.
Après une brève allocution de notre sympathique secrétaire général, qui occupe
le fauteuil de la présidence, M. Léon Denis prend la parole. Il félicite d'abord
la Fédération, qui, malgré la modicité de ses ressources, est parvenue, à
force d'énergie, à faire œuvre utile, en groupant autour d'elle les spirites
du Sud-Ouest, et en faisant d'un embryon de société, une Fédération forte,
unie, et qui marche désormais en plein succès.
Puis l’orateur entre dans le sujet de sa conférence, et de ses lèvres tombe,
étape par étape, la vie de la douce Lorraine, et cette histoire, que les temps
reculés nous avaient transmise comme une légende, s'éclaire soudain d'une
éblouissante clarté. M. Léon Denis a prononcé le grand mot ! Médium !! Jeanne
était médium. Dés lors, même pour les sceptiques, tout s'éclaire, s'explique,
et les visions de Jeanne, sa tactique militaire qui déconcerte les plus grands
capitaines du temps, son génie guerrier, elle, douce enfant dont les jours
se sont écoulés paisibles, filant la laine des douces bêtes qu’elle menait
paître.
Puis l'orateur prend corps avec son sujet, et l’auditoire vibre, tressaille,
s'émeut, s’électrise aux superbes accents d'éloquence de l'orateur. C’est
la prise de Jeanne, à Compiègne ; ses interrogations, sa condamnation, scène
dans laquelle l’orateur, quoique fort courtoisement, à souligne le rôle néfaste
de l'Eglise. Puis c’est la mort de Jeanne, et au milieu d'un profond silence,
M. Léon Denis décrit cette scène horrible, et le tableau s'anime, vibre, vît,
en un mot, devant les yeux de l'auditoire suspendu aux lèvres de l’orateur,
et dans un superbe mouvement d'éloquence, adressant un chaleureux appel à
la fraternité des peuples, les conjurant de secouer la torpeur dans laquelle
ils s'endorment, et qui chaque jour, les enlise davantage dans le scepticisme,
pierre d'achoppement de tous les vices de l'humanité. Après un plaidoyer ému
en faveur du spiritisme, M. Léon Denis termine sa conférence sous une double
salve d'applaudissements, et par deux fois, est oblige de venir saluer le
public, qui témoigne par ses bravos répétés, le plaisir qu'il a pris à entendre
l'éloquent apôtre du spiritisme. Bref, superbe journée, et pour le conférencier,
et pour la Fédération, et pour le spiritisme.
XXX
Revue 1952
LE SPIRITISME A BORDEAUX
Lundi 22 mai, le « Cercle Spirite Gabriel Delanne » recevait M Hubert Forestier, qui malgré ses occupations si lourdes avait tenu, en passant à Bordeaux, à répondre à notre invitation et à apporter ainsi à notre jeune groupe le témoignage de sa sympathie. Cette réunion, qui s’est tenue à notre siège, à 21 heures, avait un caractère privé; elle comptait néanmoins prés d’une centaine de personnes, désireuses de s’instruire ou de parfaire leurs connaissances dans le domaine spirite.
XXX
« Le Postier Singulier »
Raphaël Lonné.
1910, Montfort-en-Chalosse (France) - 1989, Bordeaux (France)
Enfant fragile, sensible et asthmatique, Raphaël Lonné quitte l’école à douze ans. Il exerce différents métiers : receveur de tramway, concierge, chauffeur, homme de peine à l’hôpital. En même temps, il se passionne pour la poésie et la musique et compose de courts textes pour les fêtes. Il joue dans de petits orchestres et dessine d’abord des thèmes figuratifs mais sans grand intérêt. Ses collègues se moquent de lui et le surnomment “le poète”. Il devient finalement facteur dans une petite ville de la région. Dans les années cinquante, Lonné participe à des séances de spiritisme et découvre ses vraies capacités graphiques. Guidé par sa main, il travaille dans un état de transe et construit chaque dessin de la même manière, de gauche à droite et de haut en bas, évoquant une sorte d’écriture graphique. Ses dessins nous entraînent dans des paysages imaginaires d’où surgissent des silhouettes fantomatiques, des animaux et des visages féminins. Il travaille à la mine de plomb, à la peinture à l’huile, à l’encre de Chine, au feutre, etc. Avec le temps, son œuvre devient de plus en plus abstraite comme s’il se fondait alors, sans retenue, dans le simple envoûtement du geste.
XXX
ARTICLE dans SUD OUEST de Mars 2013